Un auteur : Chi Ta-wei


Présentation de l'éditeur :

"Momo, une jeune esthéticienne réputée mais solitaire et marginale, vit dans une ville sous-marine d’un monde futur à l’écologie bouleversée. Ayant contracté enfant un virus d’un genre nouveau, il semble qu’elle ait subi de multiples transplantations d’organes artificiels. Dans ce monde où les corps, les identités et les sexes se métamorphosent et se réinventent, les humains sont-ils encore maîtres de leur mémoire et de leur avenir ? Quel est le véritable passé de Momo ? Les prodigieuses membranes dont elle fait usage dans sa clinique auraient-elles une fonction insoupçonnée ?"

L'avis du Loup Noir punk :

 A la lecture du résumé on pourrait avoir l'impression que La Membrane est une énième vision post-apocaliptique de l'Histoire de l'Humanité ( la couche d’ozone a disparu, les continents sont brûlés par le soleil et ne servent plus qu’aux industries polluantes et aux conflits entre les nations qui ont survécu en bâtissant des cités sous-marines) et que l'héroïne va être une énième version d'un corps modifié sur lequel pèse le lourd secret de ses origines... sauf que l'auteur est beaucoup plus malin que ça et s'amuse à disperser les indices au fur et à mesure de la lecture, en même temps que les découvertes et rémanences de souvenirs de l'héroïne.

Au début l'auteur parle  de la manière un peu pervers et malsaine dont l'héroïne utilise son métier  (elle pose des peaux très fine sur ses patients, à leur demande, qui lui permettent de les espionner) mais on comprendra très vite que ce n'est pas le sujet principal du roman quand sa mère voudra tout un coup reprendre contact avec elle après 20 ans d'absence.

L'air de rien l'auteur nous fait douter de la nature de son héroïne qui semble pourtant bien humaine. Au travers l'utilisation de certains tabous sexuels comme jouer au médecin avec une amie proche ou se laisser approcher par un pervers dans la rue il nous amène vers une réflexion terriblement émouvante sur l'ambivalence du genre sexuel et les émotions que peuvent ressentir un enfant lorsque les adultes prennent des décisions graves à leur place.

Ce livre m'a profondément ému par son utilisation de l’amitié et la disparition de celle-ci, les secrets terribles qui conditionnent toute la vie d'un enfant et la violence de leur révélations et conséquences.

Les seuls livres à m'avoir autant marqué sont Clara et la pénombre de Somoza chez Acte Sud, par son côté extrémiste du principe de peinture sur tous les plis du corps humains et utilisation de celui-ci comme objet et la soumission volontaire du modèle, Les Enfants de la Paranoïa de Trevor Shane chez Michel Lafon (tome 1 uniquement publié en France) par le côté aussi extrémiste de la micro-société aux règles si stricts qu'elles vont à l'encontre d'une amitié qui s'est formée à partir de la violence et qui doit être punie malgré tout et L' Aveuglement et sa suite La Lucidité de Saramago chez Point Seuil par sa description de la vitesse à laquelle une société peut partir en déliquescence quand elle n'est pas soumis au regard d'autrui et la violence qu'un état peut employer quand il n'a d'autre répons à amener à un peuple qui ne veut juste plus de lui.

En conclusion:

Si vous cherchez un livre pour vous retourner les tripes émotionnellement parlant ce livre est fait pour vous mais vous avez intérêt à avoir sacrément le moral !

A lire : 

La postface de la traductrice qui apporte des éléments très intéressants pour la compréhension des thématiques à l'époque de l'écriture, 1996, et sa place dans la littérature Queer à Taïwan, origine de l'auteur.

Interview de l'auteur (conférence enregistrée aux Utopiales par Actu SF)
 
 
Présentation de l'éditeur : 
 
"Une foule d'êtres insolites, sirènes, faunes, androïdes, mangeurs d'insectes, enquêteurs intergalactiques, rôdent dans les pages de ce recueil de nouvelles.
 
Avec son écriture expérimentale mais toujours sensible, Chi Ta-wei invente des mondes à venir qui, tout en ressemblant étrangement au nôtre, révèlent les poisons qui le rongent et s'efforcent d'en trouver les antidotes. 
 
Après Membrane, roman de science-fiction puissant et poétique sur les mutations du corps et de la mémoire, il interroge ici les dérives de nos sociétés techniciennes et la normativité de nos identités."
 
L'avis du Loup Noir Punk :

Après Membrane qui l'avait fait bien pleuré, la maison d'édition L' Asiathèque a proposé au Loup de découvrir ce recueil de nouvelles, écrites il y a 20 ans, dont une inédite spécialement écrite pour celui-ci.

Chi Ta-wei propose, une fois de plus, sa vision de différents types de sexualités et parentalités dans un futur proche libéré de nos tabous contemporains. Si le style peut paraitre froid au premier abord sa dissection de nos fantasmes et tabous est particulièrement intéressante.

Perles explore un futur post-apocalyptique dans lequel des extraterrestres ont déclenché une catastrophe nucléaire qui a éliminé tous parents après avoir exploré leurs cauchemars, souvent liés à leurs enfants.

Un nouveau système a du être mis en place et les relations de couples hétérosexuels pour avoir des enfants sont maintenant complètement dépassées. Un pourcentage d'attractivité est donné à chacun afin de définir la fréquence de ses rapports. Celui-ci ne prend nullement comme critère l'âge, les ascendant familiaux ou amicaux des personnes ou les relations ouvertes avec êtres hybrides.

A partir de ce postulat on va suivre la relation homosexuel de Gros Ours et Petit Lapin, deux hommes mûrs décrits comme postpatriarcat et postmaternité (c'est à dire sans père ou mère).
Comme les relations ouvertes sont encouragées Petit Lapin va nouer une relation physique avec un être hybride, Ameng, dont le corps peut s'emboiter comme un légo dans le sien.

C'est une nouvelle qui pourra paraitre dérangeante si on se focalise sur les styles de relations et notion de handicap à partir de critères qui nous sont contemporains ( Ameng parle en effet de sa relation régulière avec une autre personne dont le surnom pourrait se référer à un inceste mais qui n'a absolument pas ce sens dans ce monde et Petit Lapin n'a pas de jambe). 
Mais il s'agit au contraire d'une nouvelle très émouvante qui peut nous faire nous questionner sur notre sens de la moralité et de la normalité quand il s'agit de considérer une relation comme purement technique pour remplir un but précis.

L’Après-midi d’un faune se déroule plutôt dans un monde fantastique dans lequel A-so et K se rencontrent et se considèrent comme le reflet l'un de l'autre.
K a une montre à gousset qu'il considère comme son second cœur. Mais un évènement va les séparer et le stress de l'arrêt de la montre va hanter le 1er.

Dans ce texte de jeunesse de l'auteur on sait déjà poindre ses thèmes de prédilection comme l'altérité et la forme différente des corps.

L'auteur revient à la science-fiction avec La guerre est finie qui se déroule en 2025.
On suit les réflexions et lamentations d'une aDome : créature humanoïde formatée sur mesure pour correspondre aux fantasmes de son propriétaire humain. Elle vie au rythme des venues plus ou moins régulièrement de son mari.
Quand il part à la guerre elle fait la connaissance d'une autre aDome qui n'a aps la même vision du monde qu'elle.
Mais il va finir par revenir définitivement et toutes ses certitudes vont petre bouleversées.

C'est une nouvelle très émouvante et subtile sur les relations et aspirations humaines et hybrides.

Éclipse se déroule dans un futur indéterminé dans lequel 2 frères ont une relation très ambiguë. Ils vivent dans un espace caverneux et cachent leurs secrets dans un château d'eau. Ce monde est envahi par des insectes qu'il est interdit de manger de peur d'attraper une maladie équivalente au Sida.
Bien sûr un des 2 frères va aller à l'encontre de cet interdit.

Comme dans toute l’œuvre de l'auteur, cette nouvelle est une réflexion sur la place de l'homosexualité dans notre société et les règles très restrictives à suivre pour rester dans un système peut adapté à une sexualité qui ne rentre pas dans le rang.

Au fond de son œil, au creux de ta paume, une rose rouge va bientôt s’ouvrir est un texte de science-fiction et techno-thriller dans lequel on suit les pas d'un enquêteur chargé de surveiller les utilisations d'une nouvelle drogue produite par un groupe tentaculaire. Il va bien sûr l'essayer, sinon ce n'est pas drôle!, et se retrouver au milieu de luttes d'influence dans lesquels des scientifiques égocentriques travaillent à jouer avec le génome humain pour créer de nouveaux hybrides.

L'auteur aborde une fois de plus ses thèmes de prédilections de moralités et formes corporelles futures, dans une ambiance à la Blade Runner.

Enfin dans La comédie de la Sirène un prince échoué sur une plage tombe amoureux de la poitrine d'une sirène qui va perdre sa voix pour lui plaire. Il devra l'embrasser pour résoudre le problème mais peut-être que finalement elle aurait dû réfléchir à 2 fois avant e tomber amoureuse de lui tellement il n'a pas l'air si parfait !

L'auteur nous questionne sur ce qu'une femme, même hybride, serait prêt à accepter pour un fantasme d'homme qui finalement n'est peut-être pas si indispensable !

En conclusion :

S'il ne faut pas s'attendre à retrouver dans toutes ses nouvelles de jeunesse le style de Membrane on y trouve déjà  de l'auteur se développer ses thèmes de prédilections.
 
Les solutions qu'il propose aux problèmes homoparentalités et émotions d'être aux corps différents ou hybride est particulièrement émouvantes et permettent de nous questionner sur nos propres ressentis, tabous et valeurs morales.

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